Avec Le village retrouvé, paru en 1979, j’ai été le premier à faire et à proposer une « ethnologie de l’intérieur », bravant le tabou de l’obligation à la fameuse « distance scientifique » prônée par le structuralisme régnant pratiqué par les ethnologues. J’ai fait mon terrain de mon propre village, en l’assumant totalement. Mon pari était et demeure toujours de jouer de l’immersion totale, de mon ancrage dans ma société, ma culture, pour explorer les limites du trop savoir plutôt que d’aller quérir ailleurs de nouvelles connaissances, sachant qu’on ne découvre jamais que ce que l’on sait. Au fond, les ethnologues ne cherchent qu’à énoncer des évidences. Lorsqu’il s’agit de sociétés différentes de la nôtre, cela paraît acceptable, mais lorsqu’on regarde chez nous, cela n’est alors ni chose aisée, ni chose admise. Au retour de chez les Indiens Hopi, j’avais éthiquement choisi de ne jamais travailler et de n’écrire que sur ma propre société, sur nous. J’ai involontairement fait de mon village mon laboratoire d’observation. On comprendra que ma démarche est de camper aux franges de moi-même et de tenter de faire de tout ce qui me fait (ma culture) un objet d’étude. Je ne nie pas qu’il y a là une l’idée, intentionnellement littéraire, de faire partager mon univers, mais surtout la réflexion profonde et nécessaire pour tout chercheur en sciences humaines, de chercher à comprendre jusqu’où l’on peut « dire » quand il s’agit de sa propre société et ceci sans mettre en cause, dans le cas d’une communauté humaine restreinte comme l’est un village, la sauvegarde et l’équilibre même de cette société. La question posée est la suivante : à partir du moment où l’ethnologue fait partie du groupe étudié, comment peut-il assumer le retour de manivelle que l’existence de son travail va forcément déclencher chez les ethnologisés ; par extension, comment restituer aux siens ce que nous sommes ou de façon plus large : l’ethnologie ça sert à qui et à quoi ? On comprendra que je privilégie l’interaction avec le terrain et que, d’une certaine façon, faisant œuvre de folkloriste du contemporain, je nous étudie comme des êtres futurs d’un folklore qui ne tardera pas à être repéré.
samedi 12 janvier 2008
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1 commentaire:
J'aimerais avoir votre avis sur les réactions du village de Pierre Jourde suite à la publication de son livre "Pays perdu".
Autre chose. Je suis frappé par le fait qu'on ne semble guère se soucier en France de la disparition d'une langue qui fut parlé pendant des siècles par la majorité de la population dans le sud de la France, la langue d'oc (ou les langues d'oc, ou les patois). Sans doute, demander des crédits pour aller en Limousin, ça fait plouc. Quoi, vous osez ? c'est si chic de prendre l'avion pour aller où n'est pas allé votre voisin de cantine. Non ? je me trompe ?
Les mœurs seraient différentes en ethnologie qu'en... chut...
Je vais me procurer votre livre. Il me fait envie.
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